Don't touch me

Les Adultes le regardait du coin de l’œil, assez embêtés, agacés, perdant patience. Il ne les regardait pas mais ils les sentaient, ils sentaient leurs regards contrariés se poser sur lui, ça l'incitait encore plus à cacher son visage dans ses genoux et sous ses cheveux. Et s'il risquait un œil vers eux, ils essayaient de lui sourire, pour l'amadouer peut-être, mais il savait que tout ça était faux. Alors il restait là, dans son coin de pièce, sans bouger, ne dos contre le mur, les mains entourant ses jambes, la tête dans le genoux. Il ne bougerait pas, on ne le bougerait pas, on ne s'approcherait pas de lui non plus, ça les autres lui y veilleraient, il entendrait les adultes approchés alors il les appellerait. Le problème c'était la puce, c'était d'ailleurs pour ça qu'il était là comme ça. Ils pouvaient bien la réactiver il s'en fichait, il avait déjà beaucoup pleurer aujourd'hui, parce qu'il avait eu peur et les adultes fautifs s'étaient fait disputés. Mais ça, il s'en fichait, lui il voulait juste qu'on le laisse tranquille, parce qu'il avait toujours aussi peur et qu'il était fatigué.

Au début de l'après-midi, parce après le deuxième repas, on leur avait dit que c'était l'après-midi et que des fois, ils pouvaient sortir dehors, on était venu le chercher. Aujourd'hui, c'était le jour des tests pour 27.3. Oh pas des véritables expériences, de mesures sur ses capacités physiques ou mentales, pas d'analyse sur son pouvoir, ça faisait un moment qu'il n'avait plus tout ça, on lui avait dit qu'on attendait qu'il grandisse un peu pour ça, pour pouvoir voir l'évolution. On ne lui faisait que des tests de santé, parce qu'on craignait qu'il n'ait des carences à cause de sa maigreur inexpliquée, qu'il ne finisse par mourir, ce qui serait très embêtant pour la suite des tests, il y aurait des données manquantes et les adultes perdraient de « l'argent ». 27.3 comme tout les autres ne savait pas ce que c'était mais ils savaient tous que c'était très important pour les adultes.
Il aimait bien c'est simple tests de santé, enfin plus que les autres. On lui faisait juste une prise de sang, même s'il n'appréciait p as, c'était supportable. Après il n'avait qu'à attendre sans rien faire, il y avait une pièce avec des « jeux » et des « livres » dans laquelle on les mettait pendant ces moments-là, pour qu'ils ne fassent pas de bêtises à s'ennuyer. En fait, c'était une autre pièce d'expérimentation normalement, pour évaluer leurs capacités mentale, à réfléchir, déduire, apprendre mais lorsqu'elle ne servait pas, on y mettait ceux qui devaient patienter. Si tout se passait bien dans son corps, les Adultes donnaient un gâteau à 27.3 et il revenait dans les chambres, s'il y avait un problème, ce n'était pas vraiment différent, du coup en général, il aimait ce genre de tests.

Mais chaque cobaye avait son équipe d'Adultes en général qui les suivaient du début à... la fin ? Des fois il y avait des fins à Central. Certains Adultes s'occupaient de deux ou trois enfants en même temps mais ça ne dérangeait personne, c'était normal, on voulait bien prêter. Cependant, pour quelques cobayes dont 27.3 faisait partie, se retrouver avec de nouveaux adultes n'étaient pas quelque chose de concevable. Il manquait des adultes dans l'équipe qui s'occupait habituellement de lui, ça il l'avait deviné. Certains travaillaient autre part, d'autre n'était tout simplement pas là, ils avaient besoin d'une « pause », de « vacances ». Une pause de quoi ? Et ils étaient où ? Dehors certainement, dans le Dehors dont parlait les grands. Mais 27.3 s'en fichait, ce n'était pas très grave s'ils n'étaient pas là, il voulait bien être compréhensif. Mais quoi qu'il en soit, il ne donnerait pas son bras à cet Adulte inconnu.
Alors le nouvel adulte alla en appeler un autre tout aussi inconnu que le premier pour l'aider à tenir le bras de 27.3. Sauf que lui, il ne voulait pas et il commença à paniquer, de ce fait il multiplia instinctivement son nombre, formant un clone unique mais qui pouvait avoir un impact dans le monde physique pour se protéger. Alors évidemment, ça avait activé sa puce. La situation n'avait fait qu'empirer, 27.3 avait déjà peur, là il se retrouvait terrorisé, il avait mal et avait commencé à pleurnicher un peu et surtout, il ne voulait plus du tout qu'un adulte l'approche. Alors un Adulte qu'il connaissait depuis qu'il pouvait nommer son entourage, une vieille femme autrefois rousse, à l'odeur de brûlé et à la voix forte mais pas méchante était venu le voir. Il la connaissait depuis toujours et s'était même quelques fois confié à elle lors des doutes qu'il avait sur Central et auxquels les Grands Frères ou Grandes soeurs ne pouvaient pas répondre. Mais là, il ne voulait pas la voir non plus, il restait murer.

On l'avait laissé aller dans la salle de jeu ou d'attente ou de tests mentaux, c'était pareil. Depuis il s'était isolé dans un coin, se laissant approcher par aucun Adulte, ceux-ci ne semblaient pas trouver de solution pour l'instant.

Alcibiade, pour la première fois depuis qu’il avait pu rencontrer les autres cobayes, avait de nouveau à subir des tests. Il détesta ça par-dessus tout. C’était pourtant l’évènement qu’il attendait le plus il n'y a pas si longtemps. Lorsqu’il n’y avait que ça pour cadencer le rythme de ses journées. Cela ne voulait pas non plus dire qu’il était des plus calme durant ceux-ci. Enfin. Depuis il avait malheureusement appris que la seule manière d’en sortir gagnant était de se plier à leurs règles, alors il les avait laissés l’emmener sans plus de résistance. Ils lui mettaient tout de même ces menottes en plastique dont il avait l’habitude, les mains derrière le dos. Il serait sans doute déplaisant pour eux qu’il n’utilise son pouvoir durant son transport… Même si Alcibiade pouvait se servir de ses jambes ou même de ses doigts pour des choses simples, entraver ses bras permettait d’empêcher facilement la plupart de ses mouvements, et surtout les plus complexes. Mais pas de grommeler tout le long du trajet. Sa queue remuait derrière lui de manière plutôt agitée. Ah, s’ils étaient venus le chercher la nuit, cela ne lui aurait pas posé de problèmes, au contraire, mais l’après-midi était une chance de jouer avec les autres cobayes, puisque même les lève-tard étaient debouts et eux voulaient le remmener faire il ne savait quoi d’autre d’ennuyeux… Quel était l’intérêt de l’avoir emmené là-bas si c’était juste pour lui gâcher son plaisir…
Alors qu’Alcibiade continuait de pester dans sa barbe, il jetait des regards haineux aux deux hommes en uniforme qui l’encadraient. Le coin de ses lèvres remonta légèrement. S’il avait pu… Enfin, il ne pouvait pas, - comme toujours - sinon on allait le tuer à l’aide de cette puce, sans doute. Ils s’arrêtèrent à une porte que, malgré le fait que la plupart se ressemblent dans Central, Alcibiade n’avait jamais vu. Cela éveilla sa curiosité, et il cessa de marmonner sa rage dans son coin. Ils ouvrirent, et le laissèrent entrer à l’intérieur. Ils le poussèrent même un peu, et avant de refermer, coupèrent finalement les liens qui le retenaient.
Alcbiade lança un dernier coup d’œil à la porte pour vérifier si l’un de ses bourreaux l’avait suivi, puis, non content d’avoir de nouveau les mains libres, scrutait toute la pièce avec un étonnement et un engouement certain. Elle était remplie de choses qu’il n’avait jamais vues, qu’il découvrait pour la première fois. Elle était étrangement… colorée. Il se balada un peu partout dans la pièce et son regard alla et vint entre différentes choses alignées sur des étagères tandis que son sourire n’en finissait plus de grandir, avant qu’il ne se décide à en choisir une pour commencer. Alors que la plupart avaient sur elles des couleurs criardes et parfois même quelques dessins, celle-ci était étrangement sobre, en bois sombre et recouverte de carreaux. Il s’interrogea un instant sur son utilité, avant d’accidentellement ouvrir un crochet à l’avant, ce qui en renversa le contenu. D’abord surpris il s’écarta, puis observa les pièces qui en étaient tombées, tenant toujours la boite du bout des doigts. Oh, il les avait déjà vues une fois.
Alcibiade resta un instant, comme absorbé par ses pensées devant les pièces d’échec. S’il y avait ça, cela voulait-il dire que ce qui se trouvait là étaient des jeux, également ?
… Alors autant aller voir ce qui était plus nouveau ! Il y en avait une si grande variété !
Jusque-là, Alcibiade pensait que l’on ne pouvait jouer convenablement qu’avec des cartes, mais on pouvait y trouver de tout. Cela pouvait être tout aussi bien des choses pour plus jeunes, comme des cubes aux couleurs et inscriptions variées ou des petites poupées, que des jeux de plateaux. Néanmoins, pour ces derniers, leur fonctionnement très obscur pour Alcibiade. Ce n’était pas qu’il y mettait de la mauvaise volonté pourtant, mais la seule et unique chose qui semblait être un indice pour les comprendre, était les papiers à chaque fois présents à l’intérieur de la boite. Avoir compris ça ne l’aidait pas vraiment, les règles et indications écrites dessus se résumaient pour lui à des dessins incompréhensibles. Les livres avaient le même résultat sur lui, alors il n’en ouvrit que quelques-uns avant d’abandonner l’idée qu’ils puissent receler quoi que ce soit d’intéressant.
Alcibiade se concentra alors sur les boites. Il les ouvrit chacune, de manière presque méthodique. Il la renversait ensuite pour en examiner le contenu avant de passer à la suivante. Il trouvait chaque découverte véritablement intéressante, mais s’en désintéressait aussi presque immédiatement. Une fois qu’il eut fini de déranger absolument toute la pièce, c’est-à-dire à peu près vingt minutes après son arrivée, il commença à empiler tout ce qu’il trouvait pour en faire une pile.
Ce n’est que lorsque celle-ci arriva à près d’un mètre qu’il se rendit compte de la présence de 27.3, presque roulé en boule dans un coin de la salle. Il allait alors placer la touche finale à sa construction informe. Soudainement, il prit une large inspiration, créant un large sourire qui illumina son visage, et se jeta en direction de 27.3 sans considération aucune pour sa réalisation instable qu’il réduit à nouveau à l’état de capharnaüm bigarré, à l'image du reste de la pièce. L’une des boites de jeu vola même jusqu’à se retrouver sur sa tête. Il s’accroupit face à lui, et commença à le titiller en touchant sa jambe du bout du doigt de manière répétitive.
« Eh. Eh. Eh, viens jouer avec nous. Viens jouer avec nous ! Tu as intérêt à ne pas être en train de dormir. Peu importe qui tu es. Ce serait une insulte au grand Alcibiade de dormir devant des jeux ! Cet endroit est trop incroyable pour dormir ! Eh, tu nous écoutes ?»
Alcibiade était excité comme une puce devant tant de trouvailles.

Au bout d'un moment, la porte s'ouvrit et tout de suite, 27.3 se crispa. Il crut qu'un adulte allait revenir vers lui, qu'il allait espérer avoir une autre chance, qu'il pensait qu'il pourrait l'approcher. Mais lui, il ne bougerait pas et eux, il ne viendrait pas, voilà tout, sa puce pouvait se réactiver, il s'en fichait, il savait pourtant qu'ils ne le feraient pas, ce n'était pas la première fois que cette situation là se produisait avec lui. En général, on attendait qu'il s'endorme pour le récupérer tranquillement et ça allait tout de suite mieux après mais ces derniers temps, ça devenait de plus en plus difficile, 27.3 se réveillant à chaque approche alors les adultes devaient vraiment commencer à chercher des solutions plus rapides. Mais lui, il s'en fichait, il restait borner sur son idée de non approche et muré dans sa crainte. L'adulte pouvait essayer, il ne le toucherait pas.

La porte se referma, pourtant aucun pas vers lui, 27.3 ne regardait pas, se basant essentiellement sur le son. Puis un bruit familier mais qu'il ne s'apprêtait pas du tout à entendre résonna, le même son typique des pièces à jouer qui tombaient lorsqu'il faisait tomber le contenu des boîtes qu'il n'arrivait pas très bien à tenir. D'ailleurs, il n'osait même plus y toucher maintenant et lorsqu'il venait ici pour attendre et sans qu'il soit en confrontation avec quoi que ce soit comme actuellement, soit il utilisait ce qui était déjà dérangé, soit il prenait un livre et il regardait les images. Mais pourquoi un Adulte renverserait une boîte ? Nouveau son typique d'un contenu se déversant sur le sol, ça ne devait pas être un adulte. Alors 27.3 leva légèrement la tête pour regarder au dessus de ses genoux, son monde tout de même assez restreint par la masse de cheveux blonds devant ses yeux.
Effectivement, ce n'était pas un Adulte qui était là, non, eux ils étaient encore derrière la vitre et discutaient entre eux, un peu moins stressé mais toujours avec un coup d'oeil de temps en temps dans la salle où il était, lui et l'autre maintenant qu'ils l'avaient mis là. Ce n'était pas un enfant qu'il connaissait très bien, bon parce qu'il n'osait pas essayer de connaître très bien les autres mais aussi parce que celui-là, ça ne faisait pas très longtemps qu'il vivait avec tout le monde. Pourtant ils avaient presque le même âge mais... c'était comme ça à Central.

L'autre vida toute les boîtes par terre, certains adultes n'aimaient pas ça en général et venaient râler mais là, personne ne vint et les adultes de la vitre ne bougèrent pas. 27.3 resta un moment comme ça, à regarder l'autre dans sa petite activité, dérangeant tout, puis regardant un livre, puis construire une pile... Jusqu'à ce que l'autre le remarque et décide d'aller le voir, alors 27.3 remit sa tête dans ses genoux, se coupant du monde. Bruit sourd, la pile n'avait pas tenu et il sentit quelque chose l'embêter... et une voix, celle de l'autre certainement.
D'un seul coup, 27.3 attrapa le poignet du nouveau, relevant la tête d'un seul coup -ce qui permet de la redresser correctement malgré les cornes trop lourdes- et derrière le deuxième cobaye, un double d'ombre était apparu, prêt à virer le danger.

« Ne me touches pas ! »

Il avait hurlé... enfin comme pouvait le faire 27.3 et finalement, ce n'était pas très impressionnant mais bon... Et il n'avait pas fait exprès, il ne voulait pas être méchant. Complètement paniqué, il lança un regard vers les adultes qui ne discutaient plus puis il lâcha doucement le poignet alors que l'ombre disparaissait, ramenant sa main autour de ses genoux. Un regard sur le bord des larmes revint sur le nouveau.

« Je... je ne veux pas jouer »

« Ne me touches pas ! »
Alcibiade sursauta et eu un léger frisson lorsque 27.3 cria, D’abord déconcerté, il resta complètement abasourdi devant sa réaction, sans rien y comprendre. Il regarda son poignet pris par le cobaye, puis remonta le long de son bras jusqu’au visage de 27.3 à nouveau. Le regard de son interlocuteur se détourna de lui vers la droite. Alcibiade tourna également la tête et aperçu les adultes de l’autre côté de la vite. Il leur lança alors large sourire. Un réflexe qui avait pour but de leur montrer qu’il était inoffensif. N’ayant même pas fait attention au fait qu’ils aient été là auparavant, cela ne le choqua pas plus que cela. Ils étaient toujours plus ou moins là de toute manière. Il sentit alors la prise de 27.3 se faire moins forte. Alcibiade recentra son attention sur lui. Il n’avait peut-être pas eu la bonne approche, mais une fois qu’ils joueraient, il pourrait se faire pardonn-
« Je... je ne veux pas jouer »
Le sourire d’Alcibiade se décomposa tandis qu’il crispait le poing. Il passa brusquement de l’étonnement à la colère sourde, et dévisagea 27.3 d’un œil furieux. Alors encore… Encore une fois, on refusait de jouer avec lui…
La première fois, il avait accepté de ne rien dire, et même les fois d’après. Il… avait fait des compromis, comme on le lui avait demandé. On ne pouvait pas tout avoir, qu’on lui disait. Qu’il devait être gentil et compatissant. Qu’Il devrait déjà être heureux d’avoir quelques permissions. Qu’il devait obéir sans quoi il mourrait. Pourquoi avaient-ils le droit de lui donner des ordres ?! Alors qu’il ne pouvait même pas faire jouer quelqu’un ! Ce n’était pourtant pas si dur. Cela ne faisait pas mal, ne demandait aucune capacité que chacun ne possèderait pas lui-même, et il ne s’occupait pas à une autre activité qui l’en empêcherait ! Il fulminait intérieurement, mais son visage, ayant pris un instant un trait nerveux, reprit immédiatement une expression étrangement neutre et détachée. Son regard semblait distant et froid, comme vide.
« Oh …»
Il répondit juste de cette brève syllabe, d’un ton calme et monocorde, à l’affront que lui faisait 27.3. Alcibiade se balança légèrement pour se relever, et commença à tourner en rond dans la pièce, poussant sur son chemin les pièces éparpillés un peu partout. Il se perdait durant sa marche dans son observation, son regard se mouvant de droite à gauche, au même rythme que ses pas tandis qu’il répétait en écho ce que lui avait dit l’autre cobaye.
« Tu ne veux pas jouer, hein… . Marmonna-t-il comme pour lui-même à mi-voix. Tu ne veux pas jouer…. »
Reprit-il en écho, comme une incantation. Alcibiade avait une patience malheureusement plutôt limitée. Ce n’était pas qu’il était un enfant gâté pourtant, c’était plutôt l’inverse. Il n’obtenait presque jamais ce qu’il aurait voulu, et c’était ce qui l’exaspérait. Même quand il se retrouvait dans des conditions favorables, on lui retirait tout son plaisir. Alors même qu’il tentait de se satisfaire du peu… Il s’arrêta, en plein milieu de la pièce, les yeux rivés sur une pièce d’échec à ses pieds.
« Tu ne veux pas jouer ! »
Grinça-t-il des dents, les poings serrés et les muscles raides Il se retourna vers 27.3, et finit par déborder. Son visage grimaça sous sa bestialité et sa haine finalement relâchée : Ses yeux fauves lançaient des éclairs en la direction de 27.3 et ses lèvres, qu’il mordait du bout des dents pour se réfréner, tremblaient. Il rugit finalement, découvrant ses crocs.
« Très bien ! Dans ce cas, dis-nous ! Dis-nous quoi faire ! Rester là à ne rien attendre ? À ne rien faire ? Non ! Le jeu, c’est tout ce que nous pouvons faire !... Et comme ça, il paraîtrait que, tu ne veux pas ?! Pourquoi ?! Il n’y a aucune raison de ne pas jouer ! Aucune ! Regarde autour de toi ! Il n’y a rien d’autre que des jeux. »
Alcibiade se tu un instant, le souffle court et la bouche sèche, ses yeux plantés dans 27.3. Un sourire apparu alors sur son visage, plus sardonique que celui qu’il affiche d’habitude.
« Et puisque tu ne veux pas, nous te forcerons puisque c’est la seule manière de se faire obéir.»
Il s’avança jusqu’au mur à sa gauche, et l’effleura de la main. Alcibiade éprouva alors une légère décharge le long de sa colonne vertébrale qui le fit se redresser par un frisson désagréable. Sa main se figea en même temps que son visage. Ses yeux s’agrandirent lorsqu’il réalisa quelle était la source de cette sensation, et il pivota immédiatement la tête vers la vitre derrière laquelle se planquaient les adultes. Tous semblaient comme suspendus, prêts à intervenir. En alerte. Ils étaient tous en train de le scruter, d’observer quel serait son prochain mouvement avec une certaine appréhension, et parfois une certaine répugnance. Ils le transperçaient. De ce regard. Il y eu un petit moment de flottement, durant lequel son emportement grandit encore. Ils ne s’étaient pas trompés, ils n’avaient pas juste dérapés sur le bouton. Les décharges de la puce sont largement plus violentes que cela, normalement. C’était un premier avertissement. Alcibiade restait sur place, les yeux grands ouverts, à tenter de reconsidérer la situation, lorsque soudainement un sourire revint sur son visage et qu’il commença à rire faussement.
« Oh, Bien sûr. Évidemment. C’est un test… C’est encore un test, c’est ça ?! Probablement un de ceux servant à… Quelle était la formule ? Ah ! » Il commença à imiter les adultes d’un air morne et désincarné : « ‘ Examiner si et dans quelle mesure le sujet numéro vingt-cinq est adapté à la socialisation.’, c’est bien ça ? Et toi, alors… toi, appela-t-il 27.3 avant de faire une pause, sa main à son menton, l’air penseur. … Tu es de leur côté, c’est ça ? Parce que c’est un test ? Peut-être même que vous étiez tous dans ce test. Sinon pourquoi est-ce que vous auriez refusé de jouer ? Jouer avec le grand Alcibiade ! ... Il n’y a aucune raison de refuser ! … Aucune.... On ne peut rien faire d'autre de toute manière... »

Par sa simple phrase, par son simple refus de jouer, le nouveau, 25.5, il avait finalement réussi à voir le numéro, changea complètement d'expression, troquant son immense sourire pour un air beaucoup plus sombre et un regard furieux. A ce moment, 27.3 crut bien qu'il avait fait une bêtise sans vraiment savoir pourquoi. Si ça se trouvait, il avait même été méchant et c'était pour cela que l'autre ne souriait plus. 27.3 ne voulait pas être méchant mais il ne savait jamais comment réagir face aux autres alors il le faisait un peu par instinct mais il ne se faisait pas assez confiance non plus et il était conscient qu'il pouvait être un peu trop impulsif parfois, ou alors c'était simplement parce qu'il avait peur des autres. En tout cas, il sentait bien que 25.5 avait de quoi être effrayant, sans savoir pourquoi et sans vraiment connaître le cobaye blanc, il sentait que le léger calme face au refus n'était pas une bonne chose.

Le regard au trois quart caché par la masse de mèches blondes, 27.3 regardait cet autre enfant qui tournait dans la pièce, poussant le bazar qu'il avait fait un peu plus tôt, répétant la phrase qu'il avait dite. Il semblait étrange, effrayant comme ça, c'était ce genre de comportement intermédiaire entre deux événements qui inquiétait les adultes en général. 27.3 osa un coup d'oeil vers eux, ils les regardaient avec attention, prêts à intervenir. Ça ne rassura pas le cornu qui n'avait plus qu'une envie, retourner dans sa chambre, il y avait plus de monde dans les chambres mais bizarrement, c'était plus rassurant, car on pouvait ne pas s'occuper de lui que là... il était obligé de faire face à 25.5.
D'ailleurs celui-ci semblait avoir explosé, comme s'il était jusque là à faire grandir une colère au fond de lui pour tout recracher par la suite. 27.3 était déjà sur le bord des larmes avant mais là, il se serait très certainement mis à chouiner si l'autre le l'effrayait pas autant. Il se laissait donc hurler dessus sans bouger, tremblant, fixant 25.5 en espérant que les adultes viendraient le sauver au final, au début c'était eux qu'il ne voulait plus voir, là c'était ce cobaye. Pourquoi c'était lui qu'on avait mis là d'ailleurs ? Parce que 27.3 dérangeait à être là où il ne devait pas et qu'il fallait faire attendre quand même 25.5 pour d'autres tests ? Le blond aurait quand même préféré que ce soit quelqu'un d'autre, comme 5.1 par exemple. Il ne l'aimait pas beaucoup parce qu'elle était trop collante mais au moins, elle était gentille. Pas comme l'autre excité là.
Non il ne voulait pas jouer, de toute façon il ne pouvait pas alors voilà. 25.5 n'avait qu'à jouer tout seul à des jeux qui se jouent tout seul. Comme les puzzles par exemple, c'était certainement très bien, il pouvait même s'amuser à retrouver les pièces qu'il avait mélangé avec la totalité des boîtes présentes en plus. 27.3 lui, était de toute façon incapable d'attraper les pièces, comme avec la plupart des jeux. Il avait bien envie de le hurler à 25.5 qu'il n'avait qu'à jouer tout seul mais sa voix resta bloquée dans sa gorge, ça lui arrivait souvent, de vouloir parler mais de ne pas y parvenir par simple timidité excessive. Et puis l'autre était devenu encore plus effrayant, souriant d'un sourire perturbant, les yeux brun ambré de l'autre beaucoup trop bien plantés dans les siens.

Il allait se passer quelque chose de grave, 27.3 le sentait bien, il avait même fermer les yeux sous sa masse chevelue, essayant de reculer encore plus contre le mur derrière lui, comme s'il voulait s'enfoncer dedans sans y parvenir et puis... rien. Rien ne se passa. Rouvrant les yeux, il vit que 25.5 regardait en direction des adultes. La puce certainement, ils étaient intervenus. 27.3 ne sut pas vraiment si cela avait calmer un peu l'autre ou l'avait énervé encore plus mais il l'accusa d'être avec eux, d'avoir même participer à un tests le concernant. Nan, ça ce n'était pas vraiment. 27.3 n'avait plus voulu revoir les adultes de la journée alors non, il n'était pas avec eux, c'était faux. Il avait fini par se relever aussi, pour faire face à 25.5 ou Alcitruc comme il avait dit s'appeler. Le blond était plus petit de quelques centimètres si on ne comptait pas les cornes mais il essaya de ne pas être trop impressionner, il savait de toute façon qu'il était « petit pour son âge ». Il essayait aussi de ne pas être trop déstabilisé par le poids trop important de ses cornes et de relever le regard accusateur de l'autre.

« Non ! »

Dans sa poitrine, son cœur battait trop fort et lui faisait mal, sa gorge aussi d'ailleurs, il aurait du mal à faire sortir sa voix de toute façon trop fluette, il manquait cruellement de crédibilité. Sa queue s'agitant trahissait sa nervosité également et l'adrénaline qu'il ne savait pas gérer faisait monter des petites larmes qui brouillaient sa vue.

« C'est pas vrai ! Les adultes ne m'ont rien demandé ! J'ai pas envie de jouer parce que je ne veux pas, c'est tout ! De toute façon, je ne peux pas ! »

« C'est pas vrai ! Les adultes ne m'ont rien demandé ! J'ai pas envie de jouer parce que je ne veux pas, c'est tout ! De toute façon, je ne peux pas ! »

Alcibiade dévisagea 27.3 d’un œil mauvais durant toute sa tirade, un air irascible sur le visage. Il ne pouvait pas être sûr de ce qu’il avançait. Les adultes pouvaient se révéler plein de ressources malheureusement. Peut-être même qu’ils lui avaient promis des choses en récompense, même s’il ne voyait pas bien ce qu’il pourrait avoir à y gagner. Il se pouvait même que…

« …Hein ? »

Alcibiade se figea à la dernière phrase du cobaye. Il cligna des yeux, incrédule, et resta un petit moment dans cet état, tentant d’assimiler l’information.

« … Heiiin ? Tu ne peux pas jouer ?! »

Il porta sa main à son menton, déconcerté, en examinant 27.3. Qu’est-ce qui pouvait l’empêcher de jouer ? Il l’examina de la tête aux pieds, maintenant qu’il était levé, et la seule chose qu’il pouvait trouver comme responsable était la forme de ses mains. Elles étaient assez grandes et différentes de celles qu’il avait ou de celles qu’il avait déjà vues, mais ça ne l’avait pas étonné outre mesure. Était-ce à cause de cela qu’il ne pouvait pas ? 25.5 s’approcha de lui, et s’accroupi pour les regarder de plus près, pensif. Il n’avait jamais pensé que quelqu’un pouvait être privé de jeux à cause de sa morphologie…. Il se releva d’un coup face à 27.3.

« C’est terrible ! Il faut trouver une solution ! Tu ne peux pas rester comme ça, voyons ! »

Il posa ses mains sur les joues du cobaye et les remua vivement en le plaignant.

« Tu te rends compte, ne jamais jouer ! C’est affreux ! Comment as-tu fait pour survivre tout ce temps ?! Nous ne pourrions pas imaginer ce que nous ferions si nous ne pouvions pas jouer ! Mais pas d’inquiétude, le Grand Alcibiade est là pour t’aider ! »

Il lui tira un peu les joues en finissant de parler avant de partir en expédition dans la pièce en quête d’un jeu qu’il pourrait faire malgré ses mains. Sa queue duveteuse se balançait allègrement de droite à gauche alors qu’il tentait de déterrer un paquet de cartes qu’il venait de découvrir, et qu’il s’empressa d’apporter à l’autre cobaye.

« Les cartes, c’est la base du jeu ! Il n’y a pas moyen que tu ne puisses pas y jouer ! Regarde ! »

Alcibiade lui plaça une carte dans la bouche, tout fier, avant de réfléchir un peu plus à l’application pratique de la chose. Il attrapa alors l’une de ses mains, et embrocha une carte sur l’un de ses doigts.

« Ah ah ! Et voilàà ! Regarde la magnificence de la puissance de l’intelligence du Grand Alcibiade ! Même plus besoin de tenir les cartes ! Elles tiennent toutes seules ! Maintenant, plus de raison de refuser ! N’est-ce pas génial, …»

Il plissa les yeux pour finalement prêter attention à l’identité de son interlocuteur.

« … vingt-sept point trois ? »
Finit-il avec un large sourire sur le visage, les aigrettes relevées et sa queue se dandinant allègrement derrière lui.

D'un air furieux, mécontent, énervé, bref, insatisfait, 25.5 passa à une expression étonnée, comme si 27.3 avait dit quelque chose d'improbable. Ceci effraya pas mal le blond qui de toute façon, était perturbé pour un rien, le peu de courage qu'il avait réussi à avoir venait de tomber complètement et il ne savait plus comment réagir face à l'humeur changeante de l'autre. Alors il se contenta de ne pas bouger, retenant discrètement sa respiration pour qu'elle ne soit pas trop en accélérée malgré son cœur qui battait trop vite à cause de l'adrénaline bien trop mal gérer. Il n'osa même pas broncher lorsque l'autre décida de faire un examen complet, même sa queue qui avait tendance à bouger même légèrement restait figer. Ne faisant tout de même pas trop confiance à 25.5 et ses sautes d'humeurs, il se risqua un regard vers les adultes mais avant même d'avoir pu, l'autre l'attrapa par les joues avant de les remuer. Mais c'est qu'il lui faisait mal !
Ça non plus ça ne plut pas beaucoup à 27.3 qui tira une tête un peu paniqué, l'expression déformée par le geste de 25.5, regard rapide et enfin rapide vers les adultes, ils semblaient vachement moins paniqué mais ils guettaient toujours, en tout cas, il étaient beaucoup plus intéressés par l'autre cobaye et ignoraient complètement le regard suppliant de l'aide du petit cornu.

Pourtant, Alcitruc ne semblait plus aussi agressif qu'avant, mais là il faisait mal à 27.3 dont l'instinct préféra faire perler quelques larmes plutôt que se défendre brutalement. Au final, l'autre semblait assez gentil à vouloir l'aider, même s'il avait une notion des choses un peu étrange, mais sans savoir vraiment pourquoi, 27.3 n'avait pas vraiment confiance. C'était comme si « l'aide » de 25.5 était préférable à éviter. En tout cas, il fut finalement laisser tranquille, au grand bonheur de ses joues qu'il gratta légèrement le temps que le cobaye farfouille dans tout le bazar qu'il venait de faire un peu plus tôt.
Bazar dans lequel il retrouva un paquet de cartes qu'il s'empressa de ramener. 27.3 n'aimait pas vraiment ce jeu, pas parce qu'il ne comprenait pas les règles mais bien parce que ça faisait partie d'une des nombreuses choses vraiment trop compliquée voir impossible à tenir pour lui. En tout cas, 25.5 devait bien aimer vu comment il était tout excité, cela fit légèrement sourire le cornu malgré les yeux encore humide de larmes. Il déchanta bien vite lorsqu'il se retrouva avec une carte dans la bouche.

Décidant que c'était inutile et pas très comestible, 27.3 décida de la retirer sans la faire tomber, essayant de l'attraper avec une main puisque qu'Alcitruc avait l'autre. Effort inutile, elle descendit en vrillant jusqu'au sol sans que le cornu ne puisse rien y faire. Assez déçu mais pas surpris, il admira donc l'oeuvre de 25.5 sans vraiment en être convaincue malgré l'excitation de l'autre. Il tenta donc de retirer la carte malgré le fait qu'il galérait toujours autant.

« Mais si on fait ça, ça casse les cartes et plus personne ne pourra jouer avec »